L'aventure continue
dans les années
2020 avec les mêmes problématiques et les conséquences des choix faits
dans l'enseignement dès les années 1980. Enseignement de masse ou
comment enseigner n'importe quoi à n'importe qui (*), bienveillance
destructrice, modes éducatives à l'affiche et lavage de cerveau
obligatoire. On éduque maintenant nos enfants au politiquement
correct sans assurer l'apprentissage des éléments de base pour
comprendre les sciences et progresser. Les mathématiques, mais aussi
les sciences physiques et les SVT sont impactées. Attendre 18 ans
pour commencer à proposer un début d'enseignement scientifique est
un
crime : c'est déjà trop tard, mais qui s'en soucie ? (*) Un
raisonnement vrillé : vous entrez en sixième sans savoir lire ni écrire
? Ce n'est pas un problème : allez en classe de mathématiques pour
suivre le même programme avec tous les autres et vous allez souffrir de ne rien comprendre, passez automatiquement d'une classe à l'autre quelles que soient vos connaissances et vous comprendrez encore moins, soyez béatement encouragés pendant 4 ans même s'il n'y a plus d'espoir, et vous arriverez en fin de collège comme vous y êtes entré, comme la vie est belle ! Mais comment envisager l'avenir quand tant de portes se seront fermées sans que vous ne vous rendiez compte de rien. Vous voilà prêt à partir pour le lycée (...) Pour mieux comprendre ce qu'est devenu l'enseignement au XXIe siècle, il faut remonter à toutes les réformes récentes. Celle de la formation des maîtres en est une et non la moindre ! |
Les horaires des matières scientifiques ne représentent plus que 35% des heures d’enseignement données en classe de première scientifique. Ce ratio était de 50% avant la réforme 2010.
D’après Bruno Jeauffroy, président de l’union des professeurs de spéciales (UPS), en vingt ans, les enseignements scientifiques ont diminué de 20 % en volume horaire.
En mathématiques, la perte correspond à la suppression d’une année entière d’enseignement sur les sept années du secondaire (soit une année à 5 heures par semaine). Tout se passe maintenant comme si un élève sautait sa classe de seconde et passait directement de la troisième à la première.
En
novembre 2010, d’éminents scientifiques font circuler une pétition
où ils s’inquiètent des conséquences de la réforme des lycées
sur l’avenir de notre pays. Parmi les premiers signataires se
trouvent des sociétés savantes, des membres de l’académie des
sciences, des prix Nobels et des médaillés Fields1. Sur
le terrain, les praticiens de l’enseignement n’ont de cesse de
constater que les horaires des enseignements scientifiques sont
devenus largement insuffisants pour assurer des connaissances
scientifiques de base sérieuses aux élèves qui sortent du
secondaire, alors même que ces élèves sont censés suivre une
filière scientifique.
Les horaires, les programmes et les méthodes prônés posent de graves problèmes aux élèves qui s’engagent dans la voie scientifique avec l’espoir de devenir les professeurs, les ingénieurs et les chercheurs de demain. Que sera la « relève » si l’on détruit l’enseignement des sciences ?
La dernière réforme de la formation des maîtres durcit les conditions d’inscription au concours : nécessité de présenter un diplôme en BAC+5 au lieu de BAC+3, obligation de fournir un certificat de langues CLES2 et une certification C2i2e sur les technologies de l’information. Le métier de professeur, que l’on choisit essentiellement par vocation, n’attire plus. A quoi bon travailler tant d’années pour être jeté dans l’arène sans préparation et devoir assurer plus de quarante heures par semaine pour un salaire modique ? Il y a moins d’étudiants scientifiques en faculté, mais ceux-ci se détournent de plus en plus des métiers de l’éducation et on les comprend. D’autres métiers sont plus rentables…
Les
chiffres parlent d’eux même. Le nombre de présents aux épreuves
écrites du CAPES de mathématiques est passé de 7969 en 1997 à
1285 en 2011, soit une chute de 84% ! Quels seront les maîtres
qui enseigneront à nos enfants dans les années à venir ? Vers
quels horizons allons-nous, réforme après réforme, bouleversement
après bouleversement ?
Je
suis un modeste enseignant de mathématiques qui chaque jour retrouve
ses étudiants qui préparent le CAPES. Comme mes collègues du
secondaire, je travaille avec mes élèves et je m’adapte jour
après jour à tous les changements décidés par le législateur.
Comme mes collègues, je continue de réfléchir et de me poser des
questions sur l’avenir de l’enseignement, et celui de la
transmission des savoirs mathématiques en particulier.
Dans
ce livre, je voudrais proposer quelques pistes de réflexion sur
l’état de l’enseignement des mathématiques et des sciences en
m’intéressant principalement aux études secondaires et à la
formation des professeurs. Ce travail me permettra de dresser un état
des lieux en m’appuyant sur les remarques et les témoignages de
ceux qui sont en première ligne dans la bataille pour l’éducation
et la transmission des savoirs, ceux qui luttent chaque moment pour
tirer le meilleur parti des élèves qui leur sont confiés quelles
que soient les conditions imposées par le système : les
enseignants du terrain.
Ceux
aussi dont la parole est souvent confisquée, déformée et
sous-évaluée. Un comble quand on réalise qu’il s’agit là de
véritables professionnels de l’enseignement qui connaissent les
élèves qui leur sont confiés et se battent pour eux, et non pas
des spécialistes autoproclamés. J’ai aussi pu remarquer qu’il
existait une certaine forme d’autocensure qui empêche de nombreux
collègues de dire ce qu’ils constatent, quand ce n’est pas
seulement l’impossibilité pratique de rendre compte par écrit de
quoi que ce soit tant on est pressé de préparer ses cours et de
corriger ses interminables paquets de copies.
Ce livre n’est pas politiquement correct : il propose aussi d’analyser des conceptions d’enseignement sans suivre de ligne idéologique.
Il existe des crédos qui « frappent » l’enseignement et sur lesquels il n’est pas conseillé de revenir. On répète par exemple sans cesse que l’utilisation des TICE2 ne peut avoir qu’un effet positif sur l’apprentissage des mathématiques. Cette opinion doit-elle être relativisée ? Existe-t-il des inconvénients à utiliser les TICE ? On répète que la meilleure façon de travailler en mathématiques consiste à toujours introduire des notions à l’aide d’activités, à expérimenter sur un ordinateur, à ne jamais servir de cours structuré, à éviter de proposer des définitions rigoureuses pour se contenter d’un « à peu près », à envisager sa progression de manière spiralée… Quand on ne déclare pas de façon péremptoire que l’on travaille mieux dans une classe à 35 que dans une classe à 20. Qui peut le croire ? Tout cela est-il raisonnable ?
Dans les pages qui suivent, je me poserai un certain nombre de questions, parmi lesquelles :
Attire-t-on les meilleurs étudiants dans le métier de professeurs ? La réforme de la formation des maîtres prépare-t-elle mieux aujourd’hui les enseignants à leur métier ?
Peut-on enseigner décemment les mathématiques aux élèves qui nous sont confiés dans le temps prévu en classe et en appliquant les méthodes demandées ?
Les nouvelles technologies apportent-elles une aide réelle dans la compréhension des mathématiques ? Est-il soutenable de leur accorder une place aussi importante alors même que l’on diminue les horaires d’enseignement des mathématiques ?
La réforme des lycées est-elle une chance pour les élèves qui désirent suivre un enseignement scientifique ? Leur permettra-t-elle d’acquérir une bonne maîtrise des sciences à la fin du secondaire pour qu’ils puissent achever leurs projets de formation dans les meilleurs délais ?
Ceci
est mon premier livre qui ne disserte pas sur des thèmes
mathématiques. J’ai dû l’écrire. Il y aura encore beaucoup de
choses à vivre et à penser. Ce livre est un instantané. Vous
pouvez me faire part de vos remarques et de vos expériences en me
contactant par mél3 :
cela me permettra de continuer ce travail. Les
mathématiques, c’est beau, c’est une forme d’art, et
l’enseigner est formidable. Il suffit seulement que certaines
conditions soient réunies. L’aventure continue…
Dany-Jack Mercier, Pointe-à-Pitre, le 21 mars 2012
1
Comme
Cédric
Villani,
médaillé Fields 2010. La médaille Fields représente la plus
haute distinction internationale en mathématiques, soit
l’équivalent du prix Nobel pour cette discipline.
2
Technologies
de l’information et de la communication pour l’enseignement.
3
dany-jack.mercier@hotmail.fr
(site internet MégaMaths)
Enseigner les mathématiques : trois livres sur une certaine évolution de l'enseignement.
SOMMAIRE
La
réforme des maîtres 15
Je
mastérise, tu mastérises, … 17
L’élève
au centre de l’institution scolaire ? 23
Qui
veut devenir enseignant ? 25
Quelques
statistiques 33
Comment
refuser des candidats méritants ? 43
A-t-on
au moins réalisé des économies ? 51
Que
retenir de la réforme des maîtres ? 55
Que
répondre à l’épreuve Agir
en fonctionnaire… ?
57
Le
métier d’enseignant n’est plus attractif 67
Certains
démissionnent… 69
Burn-out
77
Il
remplace le prof de son fils 83
Le
culte de l’immédiateté 87
Postes
supprimés, métier dégradé 95
Des
vacataires pour nos enfants ! 101
Un
métier dangereux 105
Un
métier mal rétribué 107
Des
classes surchargées 113
Une
pédagogie dans le vent 119
Mme
Bovary est une chaudasse 121
Une
invention éducative par jour 127
L’accompagnement
personnalisé 137
L’ère
du multitâche et de la réponse rapide 149
Mémoires
et plagiats 153
Les
TICE sont la panacée de l’enseignement 163
Une
introduction de l’exponentielle 185
De
l’usage de la salle informatique 191
Un
équipement cher et inutile 193
Le
cahier de textes numérique 197
Des
mots pour le dire… 203
A-t-on
besoin de temps pour comprendre ? 209
Le
mur du temps 211
Appauvrissement
de la formation des élèves 215
Les
horaires du lycée après la réforme 2010 231
Une
fausse première scientifique 235
Toujours
moins de sciences 241
Déboulonner
les maths avec allégresse ! 253
Tendance
259
La
discipline chez les Bisounours 261
Relever
les notes pour le bien des élèves 271
D’excellents
résultats au brevet 275
Raisonner
pour se libérer 277
PISA :
ce sera Shangaï ou la Corée ! 285
Trente
fautes en dix lignes 299
Un
chef, un vrai… 307
Réforme
permanente 315
L’absentéisme
des fonctionnaires 337
En
une génération seulement 329