Conditions de travail et vie dans les établissements




« Nos conditions de travail sont méconnues »

Julien Weisz est prof de maths dans un collège difficile de Marseille.

(relevé sur le web de l'humanité du 2/2/2007)


Pour lui, devenir prof, c’était une vocation. Depuis tout petit. Dans la famille, tout le monde est enseignant : le père, la mère, la soeur. Après sa maîtrise, Julien Weisz passe donc le CAPES de mathématiques, l’obtient et se fait catapulter illico presto dans un des établissements les plus difficiles de Marseille, le collège Masséna, situé dans les quartiers Nord. Là, tout de suite, l’envers du décor s’impose à lui. « Nous étions entre jeunes, sans expérience. Le travail est tellement pénible que, dès qu’ils le peuvent, les personnels s’en vont ailleurs. Il y a beaucoup de turnover alors qu’il y aurait tellement besoin d’équipes stables et expérimentées. » Avec ses petits 1 300 euros en poche, Julien se met à la tâche. Être plongé au coeur des difficultés ne lui déplaît pas. De là, il voit ce qui se passe. À partir de là, il peut essayer « d’être actif, de changer les choses ». Chaque heure de cours est un combat, pour obtenir le silence, « instaurer une ambiance de travail ». « J’ai baigné toute mon enfance dans ce milieu, mais je n’avais aucune idée de l’énergie que coûte une heure de cours. À la fin de la semaine, on est épuisé », raconte ce jeune homme de vingt-huit ans qui découvre alors que tous les discours sur l’école témoignent d’une « méconnaissance complète de nos conditions de travail ». Les pressions idéologiques pour augmenter le temps de travail des enseignants participent, pour lui, de l’esbroufe. « On dépasse les 39 heures, toutes les enquêtes sont d’accord là-dessus », - précise-t-il, lassé sans doute d’avoir sans cesse à se justifier.


Ce qui importe à ce nouvel enseignant, syndiqué au SNES-FSU, c’est de comprendre


les changements qui affectent le métier qu’il a choisi. Suppression des heures de décharge, encouragement à - enseigner deux matières, exigence de mobilité géographique, tous ces projets contredisent sa vision d’un service public d’éducation. « Il va falloir soit accepter d’enseigner dans plusieurs collèges, soit enseigner plusieurs disciplines. Moi, je me sens incapable d’apprendre la physique aux élèves », développe-t-il, parlant d’une - recherche de flexibilité « qui va juste permettre de moins embaucher ».


Paule Masson

Les enseignants vivent moins bien aujourd'hui qu'en 1981

(Le Monde du 21-22 janvier 2007)




Sur les vingt-cinq dernières années, le pouvoir d'achat des enseignants s'est fortement réduit. Entre 1981 et 2004, les professeurs de collège et lycées et les universitaires ont perdu en moyenne 20 % de leur pouvoir d'achat (hors indemnités), tandis que les professeurs des écoles en per­daient 9 %. Tels sont les principaux résultats d'une étude publiée en jan­vier par trois économistes, Robert Gary-Bobo, professeur à l'université Paris-I (Panthéon-Sorbonne) et à l'Ecole d'économie de Paris, Touria Jaai-dane, professeur à l'université Lille-I, et Bitssam Bouzidi, doctorante. En reconstituant précisément l'historique des traitements entre 1960 et 2004, les auteurs montrent que le pouvoir d'achat des enseignants a augmenté jusqu'en 1981 et qu'il a lentement décliné depuis, avec la mise en place de politiques de rigueur salariale par les gouvernements de gauche comme de droite. “ A partir de 1982-1983, les fonctionnaires qui jusque-là avaient joui de gains substantiels de pouvoir d'achat, rentrent dans une phase de régression lente, certaine et constante, qui n 'a pas cessé aujourd'hui ”, expliquent les économistes en évoquant une diminution annuelle moyenne de 0,88 % du pouvoir d'achat des professeurs.

Sur cette période, les traitements des enseignants ont certes été revalo­risés mais sans rattraper les hausses du coût de la vie et sans compenser l'augmentation des charges sociales (CSG, assurance-maladie, retraite, etc.). Les auteurs reconnaissent qu'une partie du pouvoir d'achat n'a pas été prise en compte dans l'étude, notamment les indemnités versées à cer­tains enseignants (primes ZEP, prime d'orientation des élèves, etc.) : ils insistent néanmoins sur le fait que, dans l'Education nationale, le mon­tant de ces indemnités “ joue un rôle mineur ” dans les rémunérations. Cette érosion ne touche pas toutes les catégories d'enseignants de la même façon. “ Les instituteurs sont ceux qui s'en tirent le mieux, avec une baisse de traitement réel net [qui correspond au pouvoir d'achat] de 9% seule­ment durant la même période ”, indique l'étude. Les enseignants du secon­daire et du supérieur n'ont pas bénéficié, à l'époque, d'une revalorisation aussi forte et ont donc subi une érosion plus nette de leur pouvoir d'achat :

- 20 % pour les certifiés en fin de carrière, - 20,6 % pour les agrégés, -16 % pour les maîtres de conférences et - 20,6 % pour les professeurs. [...]