Page 4



RETRAITES : de 37,5 à 42 ans,

mais vous pourrez rachetez vos années d'études... la bonne blague !



Samedi 31 mai 2003 : Le célèbre diction "Toutes les bonnes choses ont une fin" peut servir d'entrée en matière pour parler des retraites. En matière sociale, peut-on distinguer les avancées de régressions ? Vais-je ou ne vais-je vous dire un petit mot rapide ?

S'il y a défilé mardi prochain, venez nombreux pour que l'on nous compte en conséquence : il faut du peuple, c'est le moment, après ce sera trop tard ou il y en aura pour 15 ans "d'avancées sociales", c'est long. Les retraites, c'est un peu beaucoup l'affaire de tous. Au passage, et sans vouloir faire du prosélytisme, vous retrouverez l'excellent tableau énumérant les avancées sociales du projet Fillon sur le site du SNES, ou bien dans un de mes dossiers, à l'adresse

http://perso.wanadoo.fr/megamaths/Temp/retraite01.pdf


à consommer sans modération, puisqu'il s'agit de la sauce avec laquelle on sera... mangé. Et visitez bien le dossier retraite du SNES.


Et il est vrai qu'on a tellement "concerté" depuis "tellement de mois", qu'il vaut mieux tout de même se recentrer sur les quelques mesures principales. Celles-ci ont été franchement travaillées de façon à pouvoir répondre à n'importe qu'elle question venant du grand public tout en économisant de d'argent partout et sur tous. Un exemple seulement : si les professeurs protestent en disant qu'ils ne pourront jamais cotiser pendant 42 ans en obtenant le CAPES à 21 ans dans le meilleur des cas (déjà un bel exploit !), et bien, l'autorité suprême pourra répondre qu'il y a des mesures qui permettent aux enseignant de ré-acheter leurs années d'étude. Comme quoi : ces intellectuels, quelle joyeuse bande de veinards ! Tout le monde est heureux !


Juste quelques petits problèmes mineurs à soulever (de mémoire) :


a) pas plus de 3 années d'étude (si vous avez passé un doctorat, et bien il y a eu erreur d'orientation sans doute !),


b) il faut que ces études aient mené à un diplôme permettant de passer le concours obtenu ...


c) ... et que le délai entre l'obtention du diplôme et la réussite au concours soit inférieure à un an (hum, cela devient franchement très limitateur : pensez au pourcentage d'étudiants qui mettent deux, trois ou quatre ans pour obtenir l'admission ... combien sont-ils à réussir en un an ? 1 sur 5 ou 20 ?, mais ne soyez pas inquiets, même ceux qui ont réussi le CAPES en quatre ans après le bac ne vont pas rigoler en lisant le point suivant... c'est ce qu'on appelle "être équitable" : vous perdez à tous les coups !)


d) et pour clore le tout il faut payer la part salariée et la part patronale (grosso modo : l'étudiant s'est auto-formé à ses frais en se recrutant lui-même pour préparer son concours... ne se transforme-t-il pas en employeur maintenant ! c'est un côté "vachement libéral ça !", on est tous des patrons et on peut même payer la part patronale),

e) alors maintenant, vous ne serez plus du tout effrayés devant les sommes à débourser : environ 5000 euros par année rachetée, si l'étudiant reçu s'empresse de payer ses droits en entrant dans le métier (petit veinard !) ou... 15000 euros ou bien plus s'il attend la retraite. A 60 ans, rachetez donc 3 ans d'études si vous faites partie des élus, payez tout de suite 45000 euros, puis "clapsez" deux mois après d'une bonne maladie. Là, c'est vraiment de la solidarité... (faudrait une médaille ?)

Bon, j'arrête, je freine des quatre fers, puisque ce n'est pas le but de cette page et que vous êtes sans doute venus ici pour d'autres préoccupations... mais... il arrive parfois que je me mette à penser (mais si, mais si, un peu ! je vous assure :)) Bonne journée à tous, super week end, bons téléchargements et visitez le site du SNES, et bie entendu : cooool ;)

LE MEILLEUR DES MONDES



27 mai 2003 : Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ! Leibnitz et Leibniz ne font qu'un ! le philosophe et le mathématicien... (Ce n'est pas le cas pour Schwarz et Schwartz). Par contre, c'est bien le philosophe du meilleur des mondes (sans Aldous) et raillé par Voltaire dans Candide (Pangloss...).

"Quand Voltaire écrit Candide, il a soixante-quatre ans. Le conte paraît anonymement, et Voltaire s'empresse de renier ce livre que l'Europe entière s'arrache et lui attribue. "Il faut avoir perdu le sens, écrit-il dans sa correspondance pour m'attribuer cette coïonnerie."" (...) Lire la suite...

Voici un article que j'ai trouvé intéressant, au sujet d'internet, de Leibniz et du meilleur des mondes (il ne manque plus que Matrix Reloaded, et on aura fait le tour du sujet) ... Dans quel monde vivons-nous ?

"Avec le XML, cela semble prendre encore plus de sens : car non seulement on voit se profiler une encyclopédie infinie, mais encore toutes les possibilités de présenter, interpréter, reformer les données, à l'infini. Cela paradoxalement pourrait rassurer ceux qui craignent pour le Livre : celui-ci conservera son domaine propre, celui de l'Autorité. Sur Internet, c'est autre chose qui se trame, qui va du pire au meilleur, comme on le dit souvent… Mais justement, c'est cela qu'il faut penser, cette échelle du pire et du meilleur. Internet est une figuration du problème moral. Un des grands précurseurs de la cybernétique fut le philosophe Gottfried Wilhelm Leibniz. Beaucoup de choses ont déjà été dites à ce propos, sans doute, notamment sur son invention de la "langue caractéristique universelle" qui préfigure la numérisation, mais je ne sais pas si l'on s'est avisé qu'il avait parfaitement décrit ce qu'on appelle aujourd'hui l'hypertexte, et ce dans un cadre lui-même prémonitoire. A la fin de ses Essais de Théodicée (1710), pour justifier Dieu et démontrer la fameuse thèse selon laquelle Dieu a créé le meilleur des mondes possibles, Leibniz imagine le tableau suivant : représentez-vous une pyramide, infinie par sa base. Cette pyramide figure l'entendement de Dieu, qui pense tous les mondes possibles, classés par ordre de perfection, le meilleur occupant le sommet - il est l'unique en son genre ; quand au plus mauvais, il n'y en a pas : on fait toujours pire, aussi la pyramide n'a-t-elle pas de base. Celui qui occupe la place la plus élevée, c'est celui-là que Dieu a fait passer à l'existence, dans sa suprême bonté. En dessous, une infinité d'autres mondes possibles contiennent les mêmes êtres, les mêmes hommes ; mais qui ont choisi d'agir différemment ; car l'homme est libre, et le monde que Dieu a choisi de créer tient compte de cette liberté; ce n'est donc pas un monde "bon", c'est seulement, si l'on peut dire, le meilleur possible. Dans ces mondes possibles qu'il aurait pu créer, tout se passe donc différemment, et notamment, certains actes et certains hommes ne sont pas aussi mauvais que dans le meilleur. Par exemple, dans tel monde, Adam ne pèche pas ; ou, pour prendre l'exemple choisi par Leibniz, Sextus Tarquin, le roi de Rome qui viola la vertueuse Lucrèce, ne la viole pas, et mène une vie honnête ; les crimes que l'histoire nous apprend qu'il a commis, il pouvait ne pas les commettre, et dans ces mondes possibles, il ne les commet pas : il faut bien se représenter ce monde, car Adam et Sextus était libres, et ces mondes étaient possibles. Alors pourquoi Dieu n'a-t-il pas choisi ces mondes-là plutôt que le nôtre? Pourquoi, en un mot, a-t-il permis le mal ? (...) Lire la suite...





DEUX SITES SYMPAS ! Bug Brother et Wistiti...

Bug Brother Fichage policier, Sécurité, Cryptographie & Vie privée, visitez le site de l'anti-BigBrother. Beaucoup d'articles sur le flicage sur internet... sur les innombrables traces qu'on laisse en surfant. Et on en apprend tous les jours... Après la visite, vous tuerez les cookies, effacerez les fichiers internets temporaires et nettoyerez l'historique en vidant la corbeille une dizaine de fois par jour !

Wistiti Un site où l'on peut gratuitement placer ses photos. Vous pouvez obtenir un mot de passe, puis créer vos propres albums de photos (personnels, privés avec mot de passe, ou publiques). Les développements sur papier que vous pouvez achetez à un prix intéressant sont de qualité professionnelle, et les photos placées sur le site peuvent être téléchargées en plein écran pendant une mois. Après ce délai, vos photos sont toujours accessibles sur le site, mais malheureusement seulement dans un tout petit format minable. Visitez Wistiti.


FAUT-IL SUPPRIMER TOUS LES FONCTIONNAIRES ?

(14 juin 2003)



Je viens encore de recevoir un pamphlet qui raconte que tous les salariés du public sont des nantis qui ne veulent que conserver leurs privilèges. Il y a beaucoup de propagande de ce style sur le net ces temps-ci, et il serait bon de reprendre consciencieusement ce pamphlet point par point pour y relever les nombreuses tricheries, et en particuler les chiffres approximatifs voire faux lancés rapidement dans la discussion.

Je me bornerai à rappeler quelques éléments de réflexion... Il semble bien (d'accord, ceci est à vérifier tranquillement en utilisant des statistiques provenant de sources fiables, ce que vous pourrez tenter de faire par vous même...) que ce soit dans le privé que l'on se "débarrasse" plus rapidement du salarié après 50 ans, ce qui permet à l'employeur :

a) de ne plus payer un salaire trop élévé, 

b) d'engager une jeune recrue fraîchement formée (gratuitement par l'éducation nationale) et la payer avec un salaire de débutant, 

c) de préférer sans cesse la stratégie du "salarié-kleenex" que l'on jette dès qu'il ne rapporte pas suffisamment.

Je pense en particulier au scandale des ingénieurs informaticiens très prisés du temps de l'assembleur et des débuts de l'informatique. Ils étaient à l'origine des grands programmes qui faisaient tourner des tas de machines dans les banques et de nombreuses sociétés... c'était des as de l'assembleur, qui se sont retrouvés rapidement au chomage avec l'évolution des langages et des moyens informatiques. Les sociétés ne les ont en fait ré-employées "temporairement" qu'au moment du grand bug du passage à l'an 2000, au moment où ces chomeurs étaient à nouveau et brièvement indispensable pour contrôler et changer les programmes défaillants. Faire de l'argent c'est avoir l'ingénieur le plus performant (ici, cela signifie qui "rapporte à court terme") et au plus bas prix, et le plus simple n'est-il pas de changer ses informaticiens tous les dix ans pour avoir des personnes rompues aux nouvelles techniques et aux salaires de débutants ?

Le libéralisme pur et dur, c'est faire de l'argent pour les actionnaires, et jeter le salarié dès qu'il rapporte moins que ce que pourrait rapporter un nouveau venu (sous-payé, en contrats adaptés et précaires,...). Le travail n'est plus une donnée sociale, un état d'esprit, une philosophie, et l'homme est - à la limite - transformé en un rouage de productivité, et seulement en cela ! L'homme est un rouage qui sert à "faire de l'argent sans conscience". Cette vision du libéralisme pourrait donner lieu à des pamphlets du même style. Mais la caricature est dangereuse, car toutes les sociétés ne sont pas forcément exactement "comme ça".

Alors, j'aurai une simple question à poser à la lecture du pamphlet qui m'a été envoyé : pourquoi existe-t-il encore des personnes qui désirnet travailler pour le privé quand on se fait "avoir comme ça" ? Il faut décidemment :

 a) ou bien ne rien comprendre à ce qui se passe,

b) ou bien ne pas avoir réussi les difficiles concours d'entrée dans la fonction publique,

c) ou bien espérer gagner beaucoup plus et très rapidement, quitte à risquer quelques années de chomages...

Une autre remarque : la nouvelle loi sur les retraites agrave les conditions du privé et du public, et presque tout ce qui est dit dans le pamphlet au niveau des retraites (avec du vrai et du faux...et des amalgames) sera largement "dégradé" avec 42 voire ensuite 45 ans de cotisation pour tous (c'est déjà prévu...), et des décotes à n'en plus finir qui feront passer la retraite "espérée" très facilement de 75% ou 65% à seulement 46% des derniers salaires de référence. C'est certainement ce que l'on peut appeler une avancée sociale pour TOUS les salariés !

La stratégie est claire : diviser pour régner, et procéder par tranches : salariés du privé, puis certaines catégoriées du  public, puis les autres... et recommencer !

L'équilibre n'est-il pas dans l'existence des deux formes de travail : n'est-t-il pas bon qu'il existe des entreprises privées et des services publics ? Cela pour éviter les excès (toujours possibles) des uns et des autres, et pour laisser une alternative à nos enfants :

Celui qui rate un concours de recrutement du public peut trouver à travailler dans le privé, celui qui n'aime pas les carrières "mornes et ternes" du public peut se lancer dans le privé en espérant gagner plus dès le début de carrière, puis grimper rapidement au nirvana, celui qui n'aime pas la mentalité des entreprises privées, basée sur l'argent et le profit direct, peut tenter de réussir un concours pour "servir" ses concitoyens suivant d'autres bases... toutes ces attitudes, et bien d'autres, sont possibles et c'est une bonne chose d'avoir un choix à faire. 

Ainsi la co-existence entre une école publique et une école privée est, d'après moi, utile : le choix est laissé, et l'accès à une éducation de qualité est garanti pour tous. Avec "égalité" !

Je me risque à vous faire part d'une petite anecdote personnelle au sujet de cette égalité dont on se moque dans le pamphlet. Après ma réussite au concours du CAPES, j'ai suivi un stage d'un an dans un collège d'Antibes (Alpes-Maritimes) avec 2 classes en responsabilité. Les notes que je donnais à mes élèves étaient toujours obtenues par un calcul simple que pouvait (devait !) refaire l'élève, cela pour me signaler une erreur lors du calcul de la moyenne trimestrielle, par exemple. Ainsi, une note d'oral avait le coefficient 1 tandis qu'une note d'écrit avait le coefficient 4, et il existait beaucoup de notes d'oral pour rattraper les élèves (ceux-ci  participaient plus volontairement et obtenaient là une façon très commode d'améliorer leurs moyennes, les "bonnes" notes  à l'oral étant (si possible) distribuées plus souvent que les "mauvaises" notes en quantité. Il y avait au moins 3 devoirs écrits sur table par trimestre et 3 devoirs à la maison qui, eux, ne comptaient pas dans la moyenne mais seulement dans l'appréciation et servaient à entraîner les élèves aux devoirs écrits ou étaient utilisés pour des approfondissements. Les devoirs à la maison ne comptaient pas directement en vertu d'un principe "d'égalité entre les élèves",puisque tout le monde sait que certains parents qui en ont les moyens n'hésitent pas à faire rédiger les devoirs par un professeur particulier.

 Au troisième trimestre, un élève obtint 12,5/20 de moyenne en maths. Le calcul était juste, et bien vérifié par l'élève (qui ne faisait auncun problème de cela, et, de plus, qui était intéressant et agréable en classe). Un jour de juin, un surveillant vient dans ma classe pour m'avertir que des parents d'élèves veulent me voir et m'attendent à la fin du cours dans un local près du bureau du principal. Je m'y rends donc, on s'assoie, et le père et la mère m'exposent calmement que leur fils a absolument besoin d'une note plus élevée, et me rappellent qu'il y a eu au moins un 17/20 dans la classe, et... qu'une bonne note en maths est indispensable pour se retrouver dans la meilleure classe de seconde au lycée d'à côté l'année prochaine. Et ces parents me demandent de relever cette note, carrément.

Je dois leur expliquer qu'il m'est impossible de le faire pour des raisons de justice vis à vis des autres élèves, et que tout ce qui est en mon pouvoir est de recalculer la moyenne pour vérifier qu'il n'y a pas d'erreur. Le père se lève après avoir donné un coup de poing sur la table, tourne en rond dans la salle, commence à crier que cela ne se passera pas comme ça, et que son fils a réellement besoin d'une meilleure note ! (J'avais d'ailleurs aussi un tiers de la classe qui n'avaient pas obtenu la moyenne au troisième trimestre, et je pensaient à eux qui avaient aussi ... bien besoin d'un bon coup de pouce,... que je ne pouvais pas donner arbitrairement).

La mère essayait de calmer son mari, et moi, je répétais que cela n'étais pas en mon pouvoir, et que je devais être juste pour les autres élèves, et qu'un 12,5/20 n'était pas mauvais ! J'ai compris pourquoi le principal m'avait fait venir dans une salle de l'administration où parfois l'on voyait quelqu'un passer dans le couloir derrière les vitres. C'était une garantie pour tous les débordements qui étaient possibles.

Ce monsieur était quelqu'un de très important localement, à Antibes et sa région. Et ce monsieur ne comprenait pas comment un petit professeur débutant osait ne pas accepter de mettre 17/20 à son fils. J'ai pu résister grâce à mon statut de fonctionnaire et parce que mon métier ne dépendait pas directement de ce monsieur.

La question que je pose est la suivante : si j'avais été employé par un établissement privé, aurais-je pû refuser de mettre un 17/20 à l'enfant d'une personne importante de la région, voire d'une personne qui participe financièrement à la vie de l'établissement ? Et si mon employeur avait été la région, et que ce monsieur possède ses entrées dans la région ? C'est très simple : le chef d'établissement m'aurait sommé de mettre une très bonne note à l'enfant, et je n'aurais eu que la possibilité d'accepter, ou de perdre mon métier et me retrouver au chomage ! Le calcul est très simple.

C'est à ce moment là que j'ai réalisé qu'appartenir à un corps de statut national représentait une garantie d'équité pour les utilisateurs du système scolaire.

37,5 TORCHONS OU BIEN 40 SERVIETTES ?

(Claude Danthony, 6 juin 2003)



« Un grand battage médiatique ne cesse actuellement d'opérer une comparaison entre le nombre d'annuités nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein : 37,5 dans le public et 40 dans le privé, et de déduire de ces deux chiffres que c'est inéquitable. Mais personne ne pense à préciser que le même mot « annuité » correspond à des réalités tellement différentes dans les deux régimes que la comparaison n'a guère de sens : autant ajouter des torchons et des serviettes ! Démonstration : Nous avons tous appris à l'école qu'on n'ajoute pas des choux et des carottes ou des torchons et des serviettes. Tout comptable sait que des comparaisons ne sont valables que si elles sont effectuées « à structure comparable ».

En tant que scientifique, j'ai le devoir, lorsque je compare deux données chiffrées, de commencer par vérifier qu'elles correspondent à la même réalité, par exemple sont exprimées dans la même unité. Sinon, on peut faire dire absolument n'importe quoi aux chiffres.

Le mot "annuité" correspond en fait à un nombre issu de calculs totalement différents dans les deux régimes. En gros : Dans le public, le nombre d'annuités correspond au temps où l'on occupe effectivement un emploi, au prorata du temps de travail (ainsi, 1 an de travail à mi-temps donne une demi-annuité, 1 an à 80% donne 0,8 annuité, etc.) Dans le privé, c'est bien plus compliqué. Cela dépend d'abord des sommes perçues : on valide, pour chaque année civile, un nombre de trimestres correspondant au salaire soumis à cotisations dans l'année. C'est ainsi, pour prendre un exemple, qu'un cadre qui a travaillé 3 mois dans une année civile obtiendra une annuité entière (alors qu'un smicard qui a travaillé 3 mois n'obtiendra lui que 0,5 annuité : est-ce bien équitable ?). De même, un an de travail à mi-temps compte pour une annuité complète. On rajoute ensuite certaines périodes non travaillées : chômage (en partie), congé parental (sous conditions), etc. A cela s'ajoutent des bonifications qui diffèrent totalement entre les deux régimes, dont la bonification pour enfant accordée aux mères (2 ans dans le privé, 1 dans le public) [1].


En résumé il est parfois plus "facile" d'obtenir des annuités dans le privé que dans le public. Voilà un exemple qui montre bien les limites de cette comparaison. Puisque les médias se sont fait l'écho de certains avantages (oubliant les inconvénients) des femmes fonctionnaires mères de 3 enfants, prenons l'exemple d'une mère de 3 enfants qui décide de travailler 8 ans à mi-temps pour les élever : Si elle est dans le privé, elle aura une bonification de 6 annuités et les 8 ans à mi-temps compteront pour huit annuités. Pour obtenir une retraite à taux plein (40 annuités), il lui faudra donc obtenir 40-8-6, soit 26 annuités supplémentaires.
Si elle est fonctionnaire, la bonification sera de 3 annuités et les 8 ans à mi-temps compteront pour 4 annuités. Pour obtenir une retraite à taux plein (37,5 annuités), il lui faudra donc obtenir 37,5-3-4, soit 30,5 annuités supplémentaires, c'est-à-dire travailler effectivement 30,5 années à plein temps. Est-ce bien équitable ?
Tout cela pour dire que comparer le nombre d'annuités nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein dans les deux régimes et en déduire que ce serait inéquitable car 37,5 est inférieur à 40 n'a aucun sens et relève de l'imposture.

D'autant plus que la notion de "retraite à taux plein" n'a strictement rien à voir entre les deux régimes et qu'on ne tient pas compte des retraites complémentaires du privé ! Un jour où j'avais pris un énarque en flagrant délit de comparaison de chiffres incomparables, il m'avait répondu : « D'accord, mais vous, vous vous intéressez au sujet. Pour les gens, il faut des idées simples ».

Je ne voudrais pas que l'opinion publique soit convaincue que les fonctionnaires seraient des privilégiés du simple fait que les médias colportent une idée aussi simple qu'inexacte. II n'empêche que cette stratégie de dresser le privé contre le public, sur la base d'une "idée simple" permet de faire passer au second plan certaines réalités. Elle permet d'oublier que la réforme Balladur de 93, en augmentant la durée de cotisation de 37,5 à 40 ans (là on peut comparer les données puisque c'est le même régime) [en fait, la durée de cotisation sera de 42 ans en 2020, NDLR], mais surtout par l'introduction de la décote et l'allongement de la période de référence, a déjà diminué et surtout va encore dégrader fortement les retraites du privé. Elle permet de faire passer au second plan que la réforme ne concerne pas les seuls fonctionnaires, puisque l'on va passer pour tous, de 40 annuités en 2008 à environ 42 en 2020. C'est faire oublier un des principes de ce projet de loi, qui me pose personnellement problème. Alors que depuis le dix-neuvième siècle, l'augmentation de la richesse de la France (et des pays riches) est allée de pair avec une diminution phénoménale de la part de sa vie qu'une personne consacre à travailler, le projet revient sur l'histoire, en décidant que désormais, sur une vie, la proportion du temps consacrée au travail ne devra plus diminuer.


J'entends d'ailleurs tous les jours dans les médias des personnes me dire sur un ton docte et péremptoire « il faut que les français comprennent qu'il faut travailler plus ». Soit, ils ont peut-être raison. Mais dans la mesure où une telle affirmation est contraire à ce qui s'est passé dans les 150 dernières années, je considère, en tant que scientifique, qu'ils doivent justifier leurs affirmations. Or je n'ai jamais entendu personne me donner un véritable argument selon lequel nous serions vraiment aujourd'hui dans une situation nouvelle justifiant une inversion du phénomène historique, c'est-à-dire une augmentation du temps de travail. Elle permet de faire oublier que ce projet est un choix politique de faire supporter aux seuls salariés actuels (pas aux employeurs ou à l'impôt) le coût de l'augmentation de l'espérance de vie, en justifiant cela par une nouvelle "idée simple" : on nous répète qu'il n'y aurait pas d'autre choix, ce qui est bien sûr faux.


Surtout, cela permet d'occulter le fait que les inégalités au sein du privé sont bien plus criantes qu'entre le privé et le public. Dans le privé, tout va dépendre de la convention collective, de la taille de l'entreprise ou encore du temps partiel subi ou choisi. Vaut-il mieux être employé à temps partiel subi d'une PME du nettoyage ou à temps plein d'une grande entreprise, avec un accord 35 heures, un CE et une convention collective très favorables ? »


* maître de conférences de mathématiques à l'École normale supérieure de Lyon.